Des dents fossiles d’un enfant de 11 ans révèlent pourquoi l’Homme a une enfance exceptionnellement longue

À la différence des autres mammifères, les humains connaissent une enfance prolongée. Les enfants humains poursuivent leur croissance et restent dépendants de leurs parents pendant une période considérablement plus longue, en comparaison avec les autres espèces. Diverses théories tentent d’expliquer la raison de cette étape de vie prolongée, l’une des plus populaires suggérant que cela est dû au développement de cerveaux plus volumineux. Des indices sur les origines de notre longue enfance ont maintenant été découverts dans des dents vieilles de 1,77 million d’années.

Une étude révolutionnaire sur le développement dentaire d’un jeune Homo préhistorique

Une nouvelle étude publiée mercredi dans la prestigieuse revue Nature relate l’analyse par des chercheurs de la croissance des dents d’un jeune préhistorique qui vivait dans ce qui est aujourd’hui Dmanissi, en Géorgie. Ils ont mis en évidence que les dents fossiles de cet individu de 11 ans, appartenant à notre genre Homo, présentaient un développement retardé similaire à celui des enfants humains modernes pendant les premières années de vie. Par la suite, elles ont adopté une croissance plus proche de celle des grands singes.

Si l’on compare la durée de l’enfance humaine à celle des autres primates, « un grand singe aurait à peine le temps de fréquenter l’équivalent de la maternelle avant d’être déjà adulte », comme l’explique l’auteur principal Christoph Zollikofer, paléoanthropologue à l’Université de Zurich. Les humains, quant à eux, passent une quantité phénoménale de temps « à grandir dans un environnement social d’une grande complexité ».

Quand ce schéma de développement lent est-il apparu ? Une interrogation centrale en paléoanthropologie

Déterminer à quel moment ce schéma de développement lent est apparu pour la première fois dans notre genre constitue une question essentielle en paléoanthropologie, comme le souligne Alessia Nava, bioarchéologue à l’Université de Rome qui n’a pas pris part à l’étude.

« Nous disposons à présent d’un indice capital », ajoute-t-elle.

Les dents examinées faisaient partie du crâne et des os fossiles du jeune individu Homo mis au jour sur le site de Dmanissi en Géorgie, datés de près de 1,8 million d’années.

Les lignes de croissance des dents, comparables aux cernes d’un arbre

Afin d’explorer ce mystère, les chercheurs ont mesuré les lignes de croissance dans les molaires du jeune préhistorique. Ces lignes de croissance présentes dans les dents s’apparentent aux cernes d’un arbre. Tout comme un arbre ajoute une couche de matière à son tronc chaque année, les dents accumulent des couches de dentine qui offrent un aperçu du développement de l’individu.

« Il est possible de couper la dent et d’observer les anneaux de croissance pour comprendre comment elle a grandi. Cela peut s’apparenter à un film montrant comment la dent s’est développée de la naissance à la mort », précise Zollikofer.

Une reconstruction « particulièrement complète » du développement dentaire d’un hominidé ancien

Les recherches précédentes s’étaient focalisées sur les dents fossiles d’individus âgés de 4 ans maximum, comme l’indique le paléoanthropologue Kevin Kuykendall de l’Université de Sheffield en Angleterre, qui n’a pas été impliqué dans l’étude. Il s’agit de la première reconstruction « particulièrement complète » du développement dentaire chez un hominidé ancien, affirme-t-il.

Des dents remarquablement conservées permettant une imagerie aux rayons X des lignes de croissance

Les dents récemment examinées, découvertes en 2001, étaient dans un état de conservation suffisamment bon pour que l’équipe puisse réaliser des images radiographiques de leurs lignes de croissance. Grâce à cette imagerie, les chercheurs ont pu étudier en détail comment les différentes dents se sont formées et développées au cours de la vie du jeune individu.

Ils ont comparé la croissance de ces dents à celles des humains modernes et d’autres grands singes, tels que les chimpanzés. Les résultats se situaient à mi-chemin entre les deux :

  • La dentition du jeune a suivi une croissance lente de type humain jusqu’à environ 4 ans
  • Puis elle a rattrapé la croissance de type chimpanzé vers 8 ans
  • Le jeune aurait atteint la maturité dentaire vers 12 à 13,5 ans

Un ralentissement du développement dentaire antérieur à l’augmentation de la taille du cerveau

Selon Debbie Guatelli-Steinberg, paléoanthropologue à l’Université d’État de l’Ohio, « l’enseignement principal est que ce ralentissement débute avant une augmentation majeure de la taille du cerveau ». Ces résultats « particulièrement enthousiasmants » laissent à penser que les espèces Homo ont peut-être développé une longue enfance afin de consacrer davantage de temps à l’apprentissage des comportements sociaux, avant que le développement cérébral ne s’intensifie.

La difficulté de tirer des conclusions définitives à partir d’une seule étude

Kuykendall souligne néanmoins la difficulté de tirer des conclusions définitives. Le développement dentaire lent chez les premiers individus Homo pourrait avoir été façonné par les aliments disponibles ou l’âge au sevrage, plutôt que d’être lié à l’apprentissage social ou à la taille du cerveau.

Même si cette nouvelle étude offre des indices sur l’évolution de la période de croissance prolongée chez l’Homme, « de nombreuses énigmes subsistent », écrit Guatelli-Steinberg dans Nature. L’étude des signatures chimiques dans l’émail des dents fossiles, par exemple, pourrait apporter un éclairage supplémentaire sur les origines de l’enfance prolongée des humains.

Cette découverte majeure ouvre ainsi de nouvelles perspectives captivantes pour comprendre l’évolution de ce trait si distinctif de notre espèce, qui a façonné nos sociétés et notre développement cognitif. Les recherches à venir ne manqueront pas de nous en apprendre encore davantage sur les secrets de notre longue enfance, un mystère qui continue de fasciner les scientifiques.

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